• Cette maison est radioactive

     Parce qu'elles ont dans le passé abrité des entreprises manipulant du radium, des habitations doivent être décontaminées. Une opération coûteuse qui implique parfois de raser l'édifice.

    Publié le 31.07.2012 dans Le Parisien

    C'est une maison en meulière comme il en existe des milliers en banlieue parisienne. Impossible d'imaginer qu'au cœur de ce pavillon anonyme de Chaville (Hauts-de-Seine) des ouvriers, cachés des regards extérieurs, procèdent depuis quelques semaines à un chantier de décontamination radioactive.

    Ce n'est qu'après avoir poussé la porte d'entrée et passé plusieurs sas hermétiques que l'on découvre, sous une bâche plastifiée, un homme en combinaison de protection, équipé d'un masque filtrant et d'un dosimètre, en train de désosser à la scie sauteuse le plancher du premier étage.
     
    A la cave, un autre ouvrier, lui aussi sous une bulle de plastique, extrait méticuleusement, sur trente centimètres de profondeur, des kilos de terre battue. Au pied de l'escalier, un panneau avertit du « risque d'irradiation et de contamination ». Les lattes de parquet et les gravats n'iront pas à l'arrière d'un camion-benne, mais dans de gros fûts bleus étanches dont la destination finale est un centre de stockage de déchets radioactifs. Occupée avant guerre par un atelier de fabrication de cadrans au radium pour l'aviation, cette maison de Chaville figure sur la liste des 134 adresses « douteuses », dont 80 en Ile-de-France, connues pour avoir abrité un laboratoire ou des artisans ayant manipulé du radium.

    Des travaux réalisés en toute discrétion

    Dérivé de l'uranium, ce métal extrêmement radioactif fut très utilisé en France pendant la période de l'entre-deux-guerres pour fabriquer des produits de beauté « irradiants », rendre luminescentes les montres et horloges ou enrichir l'eau fraîche en… radon (voir encadré). « Sur les 134 sites qui méritent une visite, 20 ont déjà été diagnostiqués par nos équipes et 9 étaient pollués », explique Eric Lanes, responsable des sites pollués à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).

    L'Andra estime qu'il faudra au moins six ans pour expertiser l'ensemble des sites français susceptibles de contenir des traces de radium. L'agence dispose d'un budget de 12 M€ pour décontaminer ces maisons ou ces appartements. « Les niveaux de radium détectés jusqu'ici sur les sites pollués n'ont jamais atteint un niveau préoccupant, mais en vertu du principe de précaution nous estimons que toute dose inutile doit être évitée », explique-t-on à l'Andra.

    « Pour ne pas porter préjudice aux propriétaires », c'est en toute discrétion que les chantiers sont effectués, l'essentiel des sites à traiter se situant à Paris et en banlieue. L'Andra n'intervient que si elle détecte lors de son expertise initiale des taux de radioactivité supérieurs au « bruit de fond » (NDLR : radioactivité naturelle) dans le logement « suspect ».

    A Chaville, les ouvriers spécialisés ont dû faire tomber des cloisons, mettre à nu les murs intérieurs et décortiquer le plancher, la partie polluée étant située sous le parquet. Plusieurs dizaines de tonnes de déchets seront évacuées de la maison pour seulement quelques milligrammes de radium détectés.

    Le temps des travaux, évalués à 260000 €, le propriétaire a été relogé aux frais de l'État. « A Gif-sur-Yvette, nous avons dû racheter leur bien à des propriétaires, explique Eric Lanes. Les traces de radium étant sous la maison, nous n'avons pas d'autre choix que de la raser pour dépolluer. »

     


     
     
     

     

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